Fidélité à Fata Morgana

Bernard Noël a publié une cinquantaine de titres chez Fata Morgana. Cette abondance est le fruit d’une longue amitié avec l’éditeur Bruno Roy. Leur relation a débuté à l’automne 1967. Bernard Noël raconte : C’est par hasard que j’ai rencontré Bruno Roy chez Madame de Renéville. J’allais chez elle une ou deux fois par semaine afin de classer les papiers et la bibliothèque de son mari défunt [1]. Elle avait dû me convoquer pour l’assister dans son rendez-vous avec Bruno Roy qui, sans doute, souhaitait publier des inédits de Renéville… Finalement, c’est moi que Bruno a publié, un poème en plaquette, et tout de suite, il a été question d’un peintre. Je rêvais que ce soit Sima, mais l’envoi du poème est resté sans réponse. Cependant, l’amitié de Bruno et l’association à ses activités éditoriales m’ont porté tout naturellement vers le “livre de dialogue”, dont il a édité l’un des plus beaux exemples des trente dernières années : Le Rêve de l’ammonite de Butor et Alechinsky [2].

Le “poème en plaquette” évoqué s’intitule À vif enfin la nuit. C’est le huitième ouvrage que publie, en octobre 1968, la toute jeune maison d’édition de Bruno Roy, sise près de Montpellier. Le texte de Bernard Noël est accompagné d’une eau-forte de Ghislain Quévy. Quelques mois plus tard, Jérôme Martineau tire pour Fata Morgana les cinquante exemplaires de tête du Château de Cène.

Colophon de l’édition 1969 du Château de Cène

Les titres s’enchaînent : en 1970, Une messe blanche, avec une eau-forte d’Alain Le Foll ; en 1971, Souvenirs du pâle, avec quatre pointes-sèches de Ramon Alejandro. De 1973 à 1980, Bernard Noël prend une part active dans la maison d’édition en codirigeant avec Bruno Roy la collection “Le Grand Pal” – en référence à une phrase de Georges Bataille : “Je ne parlerai plus d’expérience intérieure mais de pal.”

Vignette de François Lunven

Bernard Noël dédie, en 1975, une Lettre verticale à l’éditeur et à Marijo Roy, son épouse et collaboratrice. Ses parutions chez Fata Morgana vont se succéder continûment, au rythme d’une ou deux par an, comme le montre le long catalogue des éditions. Ce sont, pour la plupart, des “livres de dialogue” avec des artistes (Vladimir Velickovic, Colette Deblé, Bernard Moninot, Dado, Bernard Dufour, Camille Bryen, etc.), mais aussi avec d’autres écrivains (André Velter, Jean Frémon, Roger Laporte).

© Atelier Bernard Noël

Parfois, Bernard Noël intervient en tant qu’illustrateur, comme dans Les Rougets d’André Pieyre de Mandiargues.

Aquarelle, 2004

Les éditions Fata Morgana comptent, à ce jour, plus de 600 livres à leur catalogue. Ce sont les plus anciennes de tout le Languedoc-Roussillon. Depuis 2000, David Massabuau seconde Bruno Roy. La longue fidélité de Bernard Noël perdure puisqu’un nouveau recueil de ses textes paraîtra dans les mois à venir à Fontfroide le Haut. Ainsi se vérifie ce qu’affirmait l’auteur dès 1974 : Chez Fata Morgana, j’ai trouvé LA maison. Elle est dans maintenant [3].

Bernard Noël et Bruno Roy, Fontfroide le Haut, 2018 © EK

 

[1] C’est en 1966 que Pierre Leyris a introduit Bernard Noël auprès de Lucia Rolland de Renéville, veuve d’André qui fut l’un des membres du Grand Jeu de 1927 à 1932.

[2] Entretien de Bernard Noël avec Jean Lissarrague, in Écrire-Voir, Centre “Joe Bousquet et son Temps”, 2002.

[3] Yves Masselot, texte sur Fata Morgana in Le Temps parallèle n° 1, 1974 (voir ci-dessous le texte de Bernard Noël pour l’exposition Fata Morgana, sept ans d’activité).

Quelques documents

Dialogue de Bernard Noël avec Bruno Roy sur la “petite édition”, paru dans l’anthologie Fata Morgana, 1966-1976, 10/18, 1976.

Texte de Bruno Roy sur ses liens avec Bernard Noël paru dans le numéro 2-3 de la revue Givre consacré à Bernard Noël en 1977.

Texte de Bernard Noël pour l’exposition Fata Morgana, sept ans d’activité  (galerie Le Soleil dans la tête, du 31 janvier au 16 février 1974).

Quinze ans bientôt…, préface de Bernard Noël pour le catalogue Fata Morgana, 1966-1980.

Le volume l’écrit, texte de Bernard Noël pour le catalogue Fata Morgana, 1965-2015.

 

Merci à David Massabuau pour sa coopération, à Bernadette Griot pour la mise en page de l’entretien Bernard Noël / Bruno Roy et à Jean-Paul Morin pour le texte d’Yves Masselot.

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